Paris - Les Bourses européennes ont lourdement chuté jeudi, angoissées à l'idée d'un prochain changement dans la politique de la Réserve fédérale américaine, qui a annoncé mercredi envisager de mettre fin à ses mesures exceptionnelles de soutien à l'économie.
Le président de la Fed Ben Bernanke a ainsi averti mercredi que son institution pourrait réduire dès cette année le montant des titres qu'elle rachète sur le marché, en cas d'amélioration sur le front de l'emploi aux États-Unis.
"La référence plus explicite que prévu de Bernanke à un ralentissement de la politique monétaire" de l'institution a "heurté les marchés", indiquent les économistes de Crédit Agricole CIB
Marchés actions, devises, or, titres de dettes souveraines, matières premières: aucun actif financier n'était épargné par un mouvement de vente généralisé provoqué par des investisseurs inquiets, brusquement devenus rétifs à la prise de risque.
Habitués à vivre avec le soutien de la Réserve fédérale américaine, la Fed, qui injecte tous les mois des milliards de dollars d'argent frais dans le système via des achats d'actifs, ils doivent désormais se faire à l'idée qu'ils pourraient bientôt devoir marcher sans cette béquille.
Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion du comité monétaire de la Fed mercredi soir, son président Ben Bernanke a averti que son institution pourrait réduire dès cette année le montant des titres qu'elle rachète sur le marché, en cas d'amélioration sur le front de l'emploi aux Etats-Unis.
"Tout semble indiquer que le mauvais chiffre de la production manufacturière en Chine partage en grande partie la responsabilité de ces fortes baisses", relevait toutefois Soledad Pellon, analyste de la maison de courtage IG Markets.
L'Eurostoxx a chuté de 3,63%.
A Paris, l'indice CAC 40 a plongé de 3,66% à 3698,93 points, revenant à ses niveaux de la fin avril.
Groupe Fnac a trébuché au premier jour de sa cotation (-13,64 % à 19,00 euros). Le prix de référence avait été fixé à 22 euros.
Renault a reculé de 6,75% à 53,49 euros et Carrefour de 6,06% à 20,64 euros.
Groupe Eurotunnel a dévissé de 12,27% à 5,49 euros, pâtissant d'une demande de la Commission européenne adressée à Paris et Londres de baisser les tarifs imposés aux trains pour passer dans le tunnel sous la Manche.
Le luxe a souffert du ralentissement en Chine à l'instar de LVMH (-3,64% à 122,94 euros), Hermès (-1,93% à 249,25 euros) et Kering (-2,95% à 152,75 euros).
Les bancaires ont fortement reculé: Société Générale (-4,39% à 27,54 euros), BNP Paribas (-4,28% à 41,79 euros) et Crédit Agricole (-3,41% à 6,53 euros).
L'indice Dax de la Bourse de Francfort a lâché 3,28% à 7928,48 points.
Seul Fresenius Medical Care a fini dans le vert (+0,57% à 53,34 euros).
Les automobiles ont été les plus touchées, comme toujours quand les perspectives de l'économie mondiale inquiètent, du fait de leur forte exposition à l'export. BMW a plongé de 4,83% à 66,43 euros, Daimler de 4,58% à 44,58 euros et Volkswagen de 4,13% à 153,10 euros.
C'est le fabricant de semi-conducteurs Infineon qui a fermé la marche du Dax, en chutant de 5,75% à 6,44 euros. Commerzbank a cédé 1,60% à 7,43 euros.
A Londres, l'indice FTSE-100 a perdu 2,98% à 6159,51 points. Les minières ont été particulièrement affectées, sur fond de repli des cours des métaux, l'or étant tombé jeudi sous le seuil de 1.300 dollars l'once pour la première fois depuis près de trois ans.
Fresnillo a ainsi perdu 8,09% à 960,5 pence, Randgold Resources 7,49% à 4.296 pence et Rio Tinto 4,50% à 2.674,5 pence.
Royal Bank of Scotland (RBS) a abandonné 4,95% à 303,7 pence. Le gouvernement britannique va étudier la possibilité de regrouper ses actifs toxiques au sein d'une structure de défaisance avant toute privatisation de l'établissement sauvé par l'Etat en 2008.
Le groupe de luxe Burberry a reculé de 4,57% à 1.337 pence.
L'indice FTSE Mib de la Bourse de Milan a terminé sur une chute de 3,09% à 15'549 points.
Seul titre en hausse, la holding Exor de la famille Agnelli a gagné 0,25% à 24,24 euros. Finmeccanica a relativement bien tenu, cédant 0,55% à 3,998 euros grâce à l'annonce de nouveaux contrats pour un total de 450 M EUR.
Telecom Italia a de nouveau dévissé, alors que le marché digère les quelques précisions qui ont filtré sur son plan de séparation de son réseau fixe en une nouvelle société (-4,59% à 0,509 euro).
Même tendance pour Saipem, qui a cédé 5,18% à 13,35 euros.
L'indice Ibex-35 de la Bourse de Madrid a perdu 3,41% à 7822,1 points.
Santander, numéro un en zone euro par la capitalisation, a plongé de 4,17%, à 5,031 euros et BBVA a perdu 4,13%, à 6,457 euros. CaixaBank est parvenue à modérer la chute, avec un repli de 1,87% à 2,522 euros.
Banco Popular, a enregistré la plus forte baisse de l'Ibex-35, de -6,66% à 2,663 euros.
Le géant du textile Inditex a perdu 2,59% à 95,3 euros, le groupe pétrolier Repsol 3,62% à 16,36 euros, et le géant des télécoms Telefonica 3,43% à 9,807 euros.
L'indice vedette de la Bourse de Lisbonne, le PSI-20, a dégringolé de 3,41% à 5646,66 points.
Les bancaires ont enregistré les plus fortes baisses: BCP a perdu 7%, BES 6,43%, BPI 2,95% et Banif 2%.
L'indice Bel 20 de la Bourse de Bruxelles a cédé 3,04% à 2538,93 points.
Seules deux valeurs ont surnagé: l'assureur Delta Lloyd a pris 0,66% à 15,31 euros, et le groupe de services automobiles D'Ieteren, 0,05% à 32,89 euro.
La plus forte chute a été enregistrée par le distributeur Delhaize, qui réalise la moitié de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis. Il a perdu 4,81% à 47,99 euros.
GDF Suez a reculé de 4,02% à 15,03 euros.
Le bancassureur KBC a également accusé le coup, reculant de 3,68% à 29,36 euros, de même que le groupe métallurgique Umicore, qui a perdu 3,57% à 35,01 euros.
L'indice SMI de la Bourse suisse a chuté de 3,05% à 7496,05 points.
Toutes les valeurs de l'indice ont terminé dans le rouge. L'horloger Swatch Group a enregistré la plus forte correction, reculant de 5,24% à 506,50 francs suisses, tandis que le fabricant de produits de luxe Richemont a perdu 5,17% à 80,70 francs suisses après la publication de statistiques défavorables pour les exportations de montres suisses en mai.
Swisscom, l'opérateur historique de télécoms, a affiché la moins mauvaise performance de la séance, cédant toutefois 1,64% à 400,80.
L'indice AEX de la Bourse d'Amsterdam a cédé 2,62% à 341,88 points.
Les baisses les plus importantes ont été enregistrées par le spécialiste des technologies de l'information et de l'électrotechnique Imtech, qui a dévissé de 15,61% à 5,80 euros, et par l'opérateur de télécommunications KPN, qui a lui perdu 5,81% à 1,49 euros.
Dans la foulée, l'or, pourtant valeur refuge, tombait sous le seuil de 1.300 dollars l'once pour la première fois depuis près de trois ans.
La fin de l'argent facile procuré par la Fed éloigne encore plus les craintes d'une forte augmentation de l'inflation dans les mois à venir, ce qui pèse sur les cours de l'or, également considéré comme une protection contre la hausse des prix à la consommation, ont expliqué les analystes.
Les prix du pétrole ont eux aussi fortement baissé, tout comme l'euro, qui cotait 1,3208 dollar à la mi-journée contre 1,3297 mercredi soir.
Enfin, les devises des pays émergents, accusant le contre-coup des ventes massives d'actifs dans ces régions jugées plus risquées, souffraient, à l'image de la roupie indienne qui a chuté jeudi à un nouveau plus bas face au dollar.
"La Fed donne le cap et les investisseurs perdent le nord", ont résumé jeudi les stratégistes du Crédit Mutuel CIC.
Dans ce mouvement d'inquiétude généralisé, les marchés "ont ignoré le point positif dans le plan de la Fed", soutient ainsi toutefois M. Siddiqi.
La Réserve fédérale table en effet sur une amélioration prochaine de la situation économique aux Etats-Unis, condition sine qua non à tout changement de politique monétaire.
Plutôt court-termistes, les marchés ne s'appuient pas encore sur les meilleures perspectives économiques également avancées par la Fed, ils anticipent avant tout le ralentissement puis l'arrêt des injections de liquidités massives, dont ils ont largement profité ces derniers temps.
Pourtant, "l'essentiel est bien là", souligne Pascal Plunet, gérant chez Barclays Bourse. "Une amélioration des conditions économiques devrait réjouir les investisseurs après cinq années de doute", assure-t-il.
awp
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