Bruxelles - La tenue des élections législatives allemandes va mettre fin au blocage de plusieurs dossiers économiques européens, mais quel que soit le résultat, la position de Berlin ne devrait pas fondamentalement changer, du moins à court terme, selon plusieurs analystes.
"L'Europe attend la tenue des élections" car "beaucoup de décisions ont été reportées", souligne Carsten Brzeski, économiste à la banque néerlandaise ING. Nicolas Véron, du centre de réflexion européen Bruegel, parle même de "paralysie".
Mais sur le fond des dossiers, le résultat des élections "devrait avoir peu d'incidence à court terme", prévient M. Brzeski. "Il n'y aura pas de changement fondamental de l'attitude du gouvernement" allemand, renchérit M. Véron.
Les conservateurs de la CDU, donnés favoris par les sondages, et l'opposition sociale-démocrate n'ont pas des vues si éloignées qu'il y paraît sur l'aide à la Grèce. Alors que les Européens pourraient discuter dès l'automne d'un nouveau plan d'aide à Athènes, les deux partis "sont opposés à un effacement de dette", souligne Carsten Brzeski.
Pourtant, "la Grèce ne pourra pas rembourser sa dette et il va bien falloir que l'Allemagne le reconnaisse", avertit Fabian Zuleeg, directeur du centre de réflexion European Policy Centre, qui s'attend à une restructuration de la dette grecque "à un moment ou à un autre" après les élections allemandes.
LA RIGUEUR PLUS TOUT À FAIT À L'ORDRE DU JOUR
Les débats sur l'union bancaire vont eux aussi pouvoir repartir. Berlin s'est jusqu'ici fermement opposé à la mise en oeuvre d'une autorité européenne commune chargée de décider du sort des banques en faillite, jugeant qu'elle serait incompatible avec les traités existants. La fin de la période électorale va permettre de travailler plus sereinement et de trouver un compromis, estiment ces trois économistes interrogés par l'AFP.
Quant à la rigueur budgétaire longtemps incarnée par Mme Merkel, elle n'est plus tout à fait à l'ordre du jour depuis déjà quelque temps, soulignent-ils. "Même en période électorale, l'approche du gouvernement allemand est devenue plus flexible", note Nicolas Véron. "L'Allemagne ne deviendra pas un apôtre du keynésianisme budgétaire, mais elle est déjà plus pragmatique que ce que l'on dit souvent".
"On a déjà vu une inflexion en faveur de plus de croissance. Cela ne sera pas remis en question si Mme Merkel reste au pouvoir", anticipe Carsten Brzeski, qui ne pense pas non plus qu'une arrivée du SPD aux affaires changerait fondamentalement la donne.
Mme Merkel, si elle se maintient au pouvoir, aura même peut-être une plus grande marge de manoeuvre pour défendre la croissance et soutenir une politique moins intransigeante envers ses partenaires de la zone euro, selon M. Zuleeg. Le parti anti-euro "Alternative für Deutschland" risque en effet de ne pas atteindre les 5% nécessaires à son entrée au Parlement, et "elle pourra alors faire valoir qu'il n'y a pas en Allemagne de demande pour une politique anti-européenne".
A plus long terme, selon ces économistes, l'Allemagne pourrait même finir par accepter une forme de mutualisation de la dette au sein de la zone euro, par exemple sous forme de fonds d'amortissement, l'idée d'euro-obligations restant largement tabou dans la classe politique.
Mais pour en arriver là, Berlin voudra "aller plus loin en matière d'union politique", souligne Fabian Zuleeg, qui relève qu'en la matière, les résistances viennent plutôt d'autres pays comme la France.
Sur une réforme du cadre institutionnel européen, "l'Allemagne est plus ouverte que d'autres, y compris la France", renchérit Nicolas Véron, pour lequel sur cette question, "il n'est pas évident du tout que les obstacles viennent d'Allemagne".
Or, pour parvenir à une plus grande intégration européenne, une impulsion franco-allemande est indispensable. Si elle l'emporte, "ce dont nous avons réellement besoin de la part de Merkel, mais aussi du président français François Hollande, c'est d'une vision", résume M. Zuleeg.
awp
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