Karlsruhe - La Cour constitutionnelle allemande a donné mercredi
son aval à la stratégie des Européens pour conjurer la crise de la dette en zone
euro, offrant par la même occasion une victoire personnelle à la chancelière
Angela Merkel.
"C'est une bonne journée pour l'Europe", a-t-elle réagi devant les députés
allemands, lors de la première session parlementaire après la pause
estivale.
Les Bourses européennes, tout comme l'euro, ont aussi accueilli avec
enthousiasme cette décision qui intervient lors d'une journée chargée pour
l'Europe.
La Commission européenne doit en effet dévoiler en début d'après-midi ses
propositions pour un superviseur bancaire en zone euro, premier pas vers une
future union bancaire, tandis que les Néerlandais sont appelés à des élections
législatives anticipées dont le résultat pourrait changer le rapport de force au
sein de la région.
OUF DE SOULAGEMENT
Dans la matinée, les huit juges suprêmes de la deuxième chambre de la Cour de
Karlsruhe (sud-ouest) ont autorisé le président allemand Joachim Gauck à signer
les textes de loi sur le futur Mécanisme européen de stabilité (MES) et le
Traité budgétaire européen.
Les dirigeants politiques européens, et Mme Merkel au premier chef, peuvent
pousser un énorme "ouf" de soulagement. Ils craignaient dans le pire des cas un
rejet de la Cour, ce qui aurait tué dans l'oeuf ces deux piliers du plan visant
à sortir la région d'une crise qui dure depuis plus de deux ans.
Le risque était surtout que la Cour, sans invalider les textes, réclame une
implication plus grande du Parlement, avec pour effet de ralentir l'action des
responsables politiques face à la crise, déjà jugée trop lente par des
analystes.
Le soutien de la Cour de Karlsruhe, qui jouit d'une excellente réputation
dans le pays, est surtout une bonne nouvelle pour la chancelière allemande qui
avait pesé de tout son poids pour faire adopter ces textes mal accueillis par
l'opinion publique allemande.
1ÈRE RÉUNION DU MES LE 8 OCTOBRE
"C'est une décision intelligente dans l'esprit pro-européen de notre
constitution. Notre travail pour l'euro et l'Europe continue", a réagi son
ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle.
Le chef de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker a aussitôt fixé la première
réunion du conseil des gouverneurs du MES au 8 octobre à Luxembourg.
Ce fonds devait initialement entrer en vigueur début juillet, mais ne pouvait
toutefois démarrer qu'une fois ratifié par des Etats pesant 90% de son capital,
d'où l'impossibilité de se passer de l'Allemagne.
La Cour a estimé que la loi approuvant le MES était "en grande partie en
conformité avec l'exigence constitutionnelle que la souveraineté budgétaire
demeure entre les mains du Bundestag", la chambre basse du Parlement allemand, a
annoncé son président Andreas Vosskuhle.
RÔLE DES PARLEMENTAIRES ALLEMANDS SOULIGNÉ
Il ne peut pas non plus être fait grief au MES qu'il puisse devenir un moyen
anticonstitutionnel de financement des déficits budgétaires des Etats de la zone
euro au travers de la Banque centrale européenne (BCE), selon lui, alors que
l'éventualité pour le fonds de faire appel aux liquidités de l'institution de
Francfort n'est pas exclue.
La Cour a en revanche exigé que les parlementaires du pays approuvent la
moindre décision concernant une hausse de la participation de l'Allemagne au
capital du MES, actuellement de 190 milliards d'euros. Elle a aussi réclamé
qu'ils soient pleinement informés des évolutions du fonds de secours.
Norbert Lammert, le président du Bundestag, la chambre basse du Parlement
allemand, a salué la "double clarification" de la Cour, en confirmant à la fois
la constitutionnalité du MES et du Pacte budgétaire et le "rôle central" des
députés allemands dans le processus décisionnel en Allemagne.
Les deux textes avaient été adoptés par le Parlement allemand fin juin, mais
plusieurs plaintes pour empêcher leur ratification avaient été déposées auprès
de la Cour constitutionnelle, émanant notamment des députés de la gauche
radicale Die Linke, d'un élu conservateur et d'une association d'Allemands
eurosceptiques.
Les analystes se félicitaient également de la décision de justice. "C'est un
nouveau grand pas en avant pour désamorcer la crise de l'euro", a déclaré Holger
Schmieding de la banque Berenberg.
PARE-FEU SUBSTANTIEL DÉSORMAIS EN PLACE
"La décision ne contient pas de mauvaise surprise. Elle n'aura pas
d'implication sur l'intervention de la BCE et le rôle du Bundestag est renforcé
comme on s'y attendait", a réagi, sur le site de microblogs Twitter, Sony
Kapoor, du club de réflexion Re-Define.
Cela "suggère qu'un pare-feu substantiel est à présent en place pour éviter
un défaut de paiement de l'Espagne ou de l'Italie", a déclaré Jennifer McKeown
de Capital Economics.
"En moins d'une semaine, la zone euro a fini par obtenir le bazooka qu'elle
cherchait depuis longtemps: des rachats d'obligations (publiques) par la BCE
soumis à conditions mais illimités, et le MES qui va disposer d'une capacité de
prêt de 500 milliards d'euros", a résumé Carsten Brzeski d'ING.
La Cour constitutionnelle doit encore se prononcer en détail sur les deux
mécanismes. Selon des sources proches du dossier, cela pourrait être dès
octobre. Cependant, personne n'envisage qu'elle remette en cause la décision
prise mercredi.
awp
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