Francfort - La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi de
frapper fort face à ceux qui doutent de la viabilité de la zone euro et de la
monnaie unique, annonçant entre autres un programme illimité de rachat de dette
des pays les plus fragiles, comme l'Espagne ou l'Italie.
Ce nouveau programme, soumis à condition et baptisé "Outright monetary
transactions" (OMT), va prendre la suite de celui lancé en mai 2010, lors de la
première crise grecque, le SMP. Ce dernier s'est montré incapable d'éviter
l'aggravation de la crise de la dette, car limité en temps et surtout en
montant.
L'OMT se justifie par "les perturbations graves observées sur le marché des
obligations publiques qui proviennent de craintes infondées de la part des
investisseurs sur la réversibilité de l'euro", a déclaré le président de la BCE
Mario Draghi lors de sa conférence de presse mensuelle à l'issue de la réunion
du conseil des gouverneurs de l'institution de Francfort.
Ce programme sera toutefois enclenché à la condition stricte que les Etats
qui souhaitent en bénéficier aient auparavant fait appel à l'aide des fonds de
secours européens, le FESF, provisoire, et le MES, son futur successeur. En
clair, il faudra qu'un pays comme l'Espagne, très réticent jusqu'à présent,
réclame officiellement cette aide avant qu'elle ne puisse être mise en
oeuvre.
Les places boursières, qui craignaient que la BCE tergiverse après avoir
promis cet été une action d'envergure, ont salué ces annonces, la plupart
évoluant en nette hausse.
Pour Holger Schmieding, économiste à la banque Berenberg, M. Draghi a "tenu
parole".
"Après une année au cours de laquelle la BCE a laissé le tumulte sur les
marchés obligataires empêcher la transmission de sa politique monétaire, elle
s'attaque au coeur du problème de la crise de la zone euro" et signifie qu'elle
ne "laissera aucun membre solvable de l'euro faire faillite", ajoute-t-il.
Selon lui, les investisseurs qui ont appris à ne pas se mettre en travers du
chemin de la Banque centrale américaine, la Fed, vont désormais réaliser qu'il
ne faut pas non plus se frotter à la BCE.
En Espagne, où le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy recevait la
chancelière allemande Angela Merkel au même moment, les deux dirigeants ont
refusé de commenter les décisions de la BCE.
Alors que Madrid, en proie aux attaques des marchés, devrait être le premier
bénéficiaire de l'action de la BCE, M. Rajoy s'est contenté de déclarer: "Quand
j'aurai du nouveau, je vous le dirai".
L'Espagne, qui a déjà adopté des mesures d'austérité douloureuses, se refuse
pour l'instant à faire appel à une aide globale européenne -après celle obtenue
pour ses banques- tant qu'elle ne sait pas ce qu'il lui sera demandé comme
sacrifice.
Mme Merkel a elle aussi éludé la question: "la conférence de M. Draghi a lieu
en ce moment", a-t-elle dit, alors que l'annonce du nouveau programme d'achat de
la BCE avait déjà été rendu public.
"La BCE agit dans le cadre de son indépendance et de son statut", a-t-elle
toutefois ajouté, alors que la banque centrale allemande a confirmé jeudi son
opposition au rachat de dette publique, qu'elle assimile à une manière détournée
de financer les déficits publics, ce qui est interdit à la BCE.
M. Draghi a indiqué que le nouveau programme avait été voté à l'unanimité du
conseil des gouverneurs de l'institution moins une voix, celle donc de Jens
Weidmann, président de la Bundesbank.
Dans un communiqué jeudi après-midi, la Bundesbank a réitéré ses
critiques.
"Si ce programme conduit les Etats à repousser les réformes nécessaires, cela
va de nouveau saper la confiance dans la capacité des responsables politiques à
résoudre la crise", a-t-elle estimé.
Le programme OMT doit se concentrer sur les obligations de court et moyen
termes, "entre un et trois ans", a déclaré M. Draghi, précisant que trois ans
était "la maturité la plus efficace pour atteindre les objectifs".
Contrairement au scénario qui avait circulé dans la presse, la BCE ne va pas
viser de niveaux spécifiques sur les écarts de taux d'emprunt (spreads) entre
les Etats de la zone euro au-delà desquels elle interviendrait automatiquement
en achetant des titres de dette.
La BCE va par ailleurs de nouveau alléger ses critères pour les garanties
(collatéraux) qu'elle exige des banques de la zone euro en contrepartie des
prêts qu'elle leur accorde via ses opérations de refinancement.
Elle a en revanche laissé son principal taux directeur à 0,75%, son plus bas
niveau historique. Peu d'analystes attendaient une nouvelle baisse de ce
baromètre du crédit en zone euro, alors que la précédente en juillet n'avait eu
que peu d'effet, de l'aveu même des dirigeants de la BCE.
awp
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