Berlin - L'Allemagne a tué dans l'oeuf lundi les espoirs de grandes
annonces sur la crise de la dette lors de rencontres au sommet prévues cette
semaine à Berlin, et lancé un avertissement sans frais à la BCE sur ses projets
d'achats d'obligations d'Etat.
Les porte-parole du gouvernement allemand se sont donnés le mot pour faire
retomber les attentes avant la visite prévue à Berlin du président français
François Hollande, jeudi, et du premier ministre grec Antonis Samaras,
vendredi.
"Il ne faut pas attendre (de ces entretiens) que l'on prenne les décisions
essentielles", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert.
Son homologue du ministère des Finances, Martin Kotthaus, a embrayé en
rappelant que Berlin "attendait le rapport de la troïka" avant toute décision
sur la Grèce, en particulier sur un éventuel rallongement du délai imparti à
Athènes pour ses réformes.
Cette phrase devenue un leitmotiv à Berlin signifie que l'Allemagne
n'avalisera aucune décision avant que la troïka des bailleurs de fonds (Union
européenne, Fonds monétaire international, Banque centrale européenne) n'ait
achevé son évaluation des réformes grecques en septembre.
Le dossier grec est particulièrement brûlant pour la chancelière Angela
Merkel, officiellement revenue de vacances la semaine dernière mais qui fera
réellement sa rentrée européenne jeudi en recevant M. Hollande.
Pour Mme Merkel, forte jusqu'ici d'une popularité inébranlable, cette rentrée
politique marque le coup d'envoi de la campagne pour les élections législatives,
prévues à l'automne 2013.
Et cela signifie que sa marge de manoeuvre se réduit, en particulier en ce
qui concerne la Grèce, symbole en Allemagne de toutes les dérives de la zone
euro.
L'aile droite de la coalition conservateurs/libéraux de Mme Merkel rejette
tout délai et toute nouveau soutien financier pour Athènes.
Et l'opposition de gauche, à la traîne dans les sondages, a averti qu'elle ne
voterait aucune nouvelle aide à la Grèce. Or, sans ces voix des
sociaux-démocrates et des Verts, Mme Merkel risque la paralysie
parlementaire.
Autre indice d'un durcissement de ton à Berlin, le porte-parole du ministère
des Finances a fait lundi une entorse inhabituelle à la règle qui veut qu'en
Allemagne, la politique monétaire ne fasse l'objet d'aucun commentaire du
gouvernement.
Si la Banque centrale européenne (BCE) déterminait des écarts maximum de taux
d'emprunt entre pays européens, au-delà desquels elle interviendrait en achetant
en masse des obligations publiques, cela serait "d'un point de vue théorique
très problématique", a-t-il dit.
Le porte-parole du ministère a dit "ne rien savoir" d'un tel projet, évoqué
dans l'hebdomadaire Der Spiegel et très commenté sur les marchés.
Le gouvernement a bénéficié lundi du soutien franc et massif de la banque
centrale allemande, qui a rappelé qu'elle était "critique" vis-à-vis des rachats
d'obligations car ils contiennent selon elle des "risques élevés pour la
stabilité".
La BCE elle-même, qui d'habitude s'astreint à un silence rigoureux sur les
informations de presse, s'est efforcée de calmer le jeu en déclarant lundi à
propos de l'article du Spiegel qu'il était "trompeur d'écrire sur des décisions
qui n'ont pas encore été prises".
Le président de la BCE Mario Draghi avait suscité un émoi considérable début
août en promettant de nouvelles mesures de lutte contre la crise de la dette,
faisant miroiter des interventions massives sur le marché des obligations
publiques. Il doit en dire plus le 6 septembre.
La BCE dispose déjà d'un instrument lui permettant de racheter des
obligations publiques sur le marché secondaire, mais elle ne l'a pas mis en
oeuvre depuis plusieurs mois, malgré une flambée des taux de l'Espagne et de
l'Italie.
Fixer des écarts de taux limite reviendrait pour la BCE à institutionnaliser
ce programme, censé être une mesure d'urgence temporaire. Cela serait "une étape
majeure pour dissiper les tensions en zone euro et gagner du temps pour les
réformes", selon Holger Schmieding, économiste de la banque Berenberg.
awp
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire