Francfort- La Banque centrale européenne (BCE) a une nouvelle fois
signifié jeudi qu'elle ne laisserait pas la crise aller en s'aggravant en zone euro
et s'est dite prête à intervenir y compris sur le marché obligataire.
"La BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro.
Et croyez moi, ce sera suffisant", a déclaré son président Mario Draghi, lors
d'une conférence d'investisseurs à Londres.
Ces propos étaient attendus par les responsables politiques européens et les
économistes qui n'imaginaient pas la BCE rester les bras croisés face au danger
de voir l'Espagne à son tour chuter et l'Italie touchée.
L'action de la BCE pourrait passer par une intervention sur le marché
obligataire, pour tenter de contenir l'envolée des taux d'emprunt espagnols
devenus insoutenables ces dernières semaines.
"Si les primes de risque sur la dette souveraine handicapent la transmission
de la politique monétaire, elles entrent dans le cadre de notre mandat", a
déclaré M. Draghi, sans toutefois donner de détails, laissant la porte ouverte à
plusieurs éventualités.
REPRISE DES RACHATS D'OBLIGATIONS PUBLIQUES
La BCE pourrait ainsi reprendre sous peu ses rachats d'obligations publiques
sur le marché secondaire (là où s'échangent les titres déjà émis), à l'arrêt
depuis quasiment mi-février.
Ce programme avait été adopté en mai 2010, sur l'insistance des dirigeants
européens, et fonctionne depuis par à-coups.
Il avait été lancé face une crise de la dette à l'époque circonscrite à la
Grèce, puis mis en sommeil, réanimé il y a un an pour l'Italie et l'Espagne,
avant d'être à nouveau gelé.
La BCE s'est toujours montrée réticente à l'appliquer en raison des disputes
qu'il suscite dans ses rangs. La Banque centrale allemande ou celle des Pays-Bas
par exemple considèrent qu'il revient à financer les Etats, ce qui est interdit
à la BCE par les traités.
Son intervention pourrait aussi passer par l'octroi d'une licence bancaire au
futur fonds de secours européen MES, comme l'avait évoqué la veille Ewald
Nowotny, président de la banque centrale d'Autriche et à ce titre membre du
conseil des gouverneurs de la BCE.
LE MES POURRAIT EMPRUNTER À LA BCE
"Il y a des arguments favorables" à l'octroi de cette licence bancaire, a dit
M. Nowotny.
Cette mesure permettrait au MES d'emprunter auprès de la BCE et d'augmenter
ainsi considérablement sa force de frappe fixée actuellement à 500 milliards
d'euros.
Or le MES est autorisé à acheter des obligations publiques des Etats de la
zone euro en cas de nécessité. C'est aussi le cas du fonds actuellement en
place, le FESF, dont les statuts prévoient qu'il puisse intervenir sur le marché
secondaire de la dette, après toutefois un feu vert d'une commission budgétaire
des députés allemands.
Le chef de la BCE a d'ailleurs assuré que la zone euro avait les moyens de
contrer la spéculation sur les marchés, grâce notamment à ses fonds de secours,
dont le fonctionnement a été amélioré selon lui.
Le ministre français de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici a jugé
"tout à fait positive" les déclarations de M. Draghi.
Les marchés boursiers les ont également saluées (à 15H36, Francfort affichait
+2,02%, Paris +3,01%, Milan +4,59%, Madrid +4,90%), tout comme les marchés
obligataires où le taux d'emprunt à 10 ans de l'Espagne s'est nettement détendu,
passant sous les 7% après avoir atteint plus de 7,36% la veille à la
clôture.
L'EURO REMONTE
L'euro est repassé au-dessus de 1,22 dollar.
Tout en cédant à l'urgence de la situation, M. Draghi a rappelé le credo de
la BCE, soit qu'elle ne peut pas tout et qu'il appartient aux Etats de la région
de faire les efforts budgétaires nécessaires pour ne plus faire l'objets
d'attaques.
Il a toutefois souligné les progrès "extraordinaires" accomplis depuis six
mois par les Européens en matière de réformes, notamment en direction d'une
supervision bancaire unique et aussi par les pays du sud, comme l'Espagne,
l'Italie ou le Portugal.
Concernant les répercussions d'une éventuelle sortie d'un pays de la zone -et
en l'occurrence de la Grèce-, M. Draghi s'est voulu rassurant affirmant qu'un
changement du nombre des Etats membres n'affecterait pas les investisseurs.
AWP
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