Berlin - L'Allemagne était cueillie à froid mardi matin par la menace de dégradation de sa note "AAA" par Standard and Poor's (S&P), et certains ténors de la majorité gouvernementale n'hésitaient plus à crier au complot américain contre la zone euro.
La chancelière Angela Merkel a choisi un ton très neutre pour réagir, en déclarant lors d'un point presse mardi qu'il fallait continuer à "mettre en oeuvre les réformes importantes" en zone euro, après l'annonce fracassante de l'agence américaine.
Berlin et Paris avaient déjà publié lundi dans la nuit un communiqué commun très mesuré, se disant "pleinement solidaires" pour "assurer la stabilité de la zone euro".
S&P a placé lundi "sous surveillance négative" les notes d'endettement à long terme de quinze pays de la zone euro, notamment celle de l'Allemagne, notée "AAA", la meilleure note possible.
MENACE SURPRENANTE
Cela signifie concrètement que l'Allemagne, première économie européenne et en bien meilleure santé que nombre de ses partenaires, risque de voir augmenter ses coûts d'emprunt.
La menace sur l'Allemagne "est plutôt surprenante", alors que celle concernant "la France et d'autres (...) était largement anticipée", a commenté Christian Schmidt, analyste de la banque Helaba, interrogé par l'AFP.
A l'inverse de Mme Merkel, certains membres de la coalition conservateurs/libéraux au pouvoir tiraient à boulets rouges sur S&P.
"Je ne suis pas partisan des théories du complot mais quelquefois il est difficile de se défaire de l'impression que certaines agences de notation et certains gestionnaires de fonds américains travaillent contre la zone euro", a dit à l'édition en ligne du quotidien Handelsblatt Rainer Brüderle, ténor du parti libéral FDP et ancien ministre de l'Economie.
DETTE DES USA SUPÉRIEURE À CELLE DE TOUTE LA ZONE EURO
Pour le parti CDU de Mme Merkel, c'est Michael Fuchs qui a dégainé et déclaré au quotidien Die Welt qu'il voyait "un calcul d'ordre politique derrière cette annonce" de S&P, visant à détourner l'attention des problèmes d'endettement des Etats-Unis.
"La dette des Etats-Unis dépasse celle de la zone euro toute entière", s'est indigné le numéro deux du groupe parlementaire de la CDU.
Hans Michelbach, l'un des caciques de la CSU, émanation bavaroise de la CDU, a lui appelé à "interdire la notation des Etats" en Europe.
Un peu plus modéré, Michael Meister, l'un des spécialistes des questions économiques du camp conservateur, a demandé à "casser le monopole" du trio des grandes agences de notation (Standard and Poor's, Moody's et Fitch), dans un entretien au Handelsblatt Online.
Les journaux allemands, qui avaient déjà bouclé lorsqu'est tombée l'annonce, faisaient de premiers commentaires via internet mardi.
Pour le grand quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung, "même les élèves modèles ne sont plus à l'abri".
IMPRESSION QUE LES CARTES SONT TRUQUÉES
Le Financial Times Deutschland, proche des milieux d'affaires, s'indignait lui des fuites qui ont précédé cette annonce dans la nuit de lundi à mardi et critiquait durement la politique de communication de S&P. L'agence américaine avait déjà fait scandale en annonçant par erreur le 10 novembre une dégradation de la note de la France.
"La dernière chose dont ont besoin des investisseurs déjà nerveux (...), c'est l'impression que l'on joue avec des cartes truquées sur le marché de la dette souveraine", écrit un éditorialiste du journal.
Le quotidien Tagesspiegel parle lui "d'effroi dans la nuit" mais juge qu'à l'avant-veille d'un sommet européen crucial, l'agence américaine, en faisant "monter la pression", pourrait bien "aider Mme Merkel à atteindre son but", à savoir imposer une discipline budgétaire de fer en zone euro.
Un point de vue partagé par le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, en déplacement à Vienne. "Il s'agit de la meilleure incitation possible pour le sommet de cette semaine (...) Je ne peux rien imaginer de plus efficace".
AWP
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