Paris - La France faisait les frais mercredi de la crise de confiance dont souffre l'Italie sur les marchés financiers, voyant l'écart de taux avec l'Allemagne atteindre un niveau record, dans le cadre d'un mouvement de méfiance généralisé des investisseurs vis-à-vis de la zone euro.
En fin de journée, sur le marché obligataire européen où s'échange la dette des Etats, l'écart des taux entre l'obligation de référence du Trésor français à 10 ans (OAT) et son homologue allemand, le Bund, s'est inscrit à 147 points de base (1,47 point de pourcentage), du jamais vu depuis 1997.
Cet écart, qui mesure la prime de risque entre ces deux lignes obligataires, était de 45 points de base il y a un an et de quelque 80 points de base cet été. Concrètement, cela signifie que aujourd'hui les investisseurs craignent beaucoup plus de prêter à la France par rapport à l'Allemagne et exigent une rémunération plus importante pour compenser ce risque.
Bien que France et Allemagne disposent toutes les deux de la meilleure note possible attribuée par les agences financières --un "triple A"-- la perception des deux pays par les investisseurs est bien différente.
Pour les marchés, la France est considérée comme un pays du Sud et est assimilée aux Etats qui souffrent d'importants déficits budgétaires, explique Laurent Géronimi, directeur de la gestion des taux chez Swiss Life Gestion privée.
La France finalement ne mérite pas son "triple A", fait même remarquer un stratégiste obligataire sous couvert de l'anonymat, en ajoutant que la méfiance des marchés financiers devrait encore s'accroître à l'approche des élections présidentielles. Les candidats vont multiplier les promesses et les investisseurs vont sanctionner la France, car craignant une explosion des dépenses publiques, a-t-il ajouté.
Déjà la France est dans le collimateur: Les investisseurs vendent les obligations françaises, faisant mécaniquement monter leurs rendement (à 3,201% contre 3,085% mardi), et se reportent parallèlement sur les emprunts obligataires allemands jugés à leurs yeux comme les plus sûrs, ce qui se traduit par une détente de leurs taux (1,731% contre 1,799%)).
Ce mouvement n'est pas nouveau mais touche particulièrement la France. Il s'est par ailleurs accéléré avec la crise italienne et les craintes que ce pays n'ait besoin comme la Grèce le Portugal et l'Irlande de faire appel à une aide internationale pour payer les échéances de sa dette colossale (1.900 milliards d'euros).
"Là ou le bât blesse en France, c'est au niveau des banques", explique René Defossez, stratégiste obligataire chez Natixis.
Les banques françaises sont considérées comme très exposées aux dettes souveraines italiennes, grecques espagnoles.
"Si les banques devaient faire face à des défauts de paiement de ces pays, les marchés craignent qu'elles soient obligées d'être recapitalisées par l'Etat français, ce qui va automatiquement fragiliser encore davantage les finances publiques", a-t-il expliqué.
La France n'est pas la seule pénalisée et les autres pays de la zone euro notés "triple A" le sont également. L'Autriche, les Pays-bas et la Finlande ont vu leur écart se creuser avec les taux allemands mais de manière moins prononcée.
"Il y a une totale perte de confiance dans l'ensemble de la zone euro a l'exception notable de l'Allemagne", résume Cyril Beuzit, stratégiste obligataire chez BNP Paribas.
Pour les analystes, il existe deux solutions pour stopper ce cercle vicieux. La Banque centrale européenne (BCE) peut d'abord intervenir davantage pour racheter les titres de la dette des pays en difficulté. Ensuite, l'Europe ne pourra faire l'économie d'une plus grande intégration.
AWP
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire