Berlin - L'économie allemande continue à afficher une insolente santé ce qui, sur fond de crise persistante de la dette en zone euro, renforce la pression sur Berlin pour continuer à soutenir ses partenaires en difficulté.
Au premier trimestre, la croissance de la première économie européenne est ressortie à 1,5%, selon un chiffre provisoire publié vendredi, bien supérieur aux attentes. Dans d'autres pays européens, la France en tête, la performance économique a également surpris à la hausse.
Mais l'Allemagne, forte de la nouvelle vigueur de sa demande intérieure et grâce à un effet de rattrapage après une fin d'année 2010 plombée par l'hiver précoce, caracole indéniablement en tête.
Cette performance, dont se sont réjouis la chancellerie et le nouveau ministre de l'Economie Philipp Rösler, officiellement intronisé jeudi, présente toutefois le risque pour Berlin de se voir réclamer davantage de solidarité vis-à-vis de ses voisins moins bien lotis, ce à quoi elle rechigne.
"L'Allemagne va subir une pression encore plus forte pour approuver de nouvelles aides à la Grèce", déjà bénéficiaire l'an dernier d'un prêt de 110 milliards de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, estime ainsi Jörg Krämer, économiste en chef de Commerzbank.
Or mieux l'économie allemande se porte -le chiffre publié vendredi met une croissance du Produit intérieur brut (PIB) d'au moins 3% à portée de main cette année-, moins l'opposition de Berlin à un soutien à ses partenaires est tenable.
La vitalité de la conjoncture a permis de remplir plus vite que prévu les caisses de l'Etat, et le ministre des Finances Wolfgang Schäuble a présenté jeudi des estimations fortement révisées en hausse des recettes fiscales.
En outre, les experts soulignaient vendredi le rôle essentiel qu'ont joué les plans d'aide européens dans la croissance allemande.
"Les filets de sécurité offerts à la Grèce et aux autres pays périphériques ont protégé le coeur de l'Europe de la crise financière", juge ainsi Holger Schmieding, de Berenberg Bank. Qui conclut que "l'Allemagne doit continuer à remplir son office pour contenir la crise de la dette" si elle veut préserver sa reprise.
La baisse du chômage, qui accompagne la croissance, devrait faciliter la tâche des responsables politiques allemands "pour expliquer à leurs électeurs qu'ils doivent dépenser des milliards d'euros pour d'autres pays", analyse pour l'AFP Frank Engels, économiste de Barclays Capital. "Le message passe mieux quand on a soi-même un emploi et des revenus en hausse".
Encore faudrait-il qu'ils y soient prêts, ce qui n'est pas le cas.
C'est avec répugnance que M. Schäuble a ainsi entrouvert cette semaine la porte à un second geste vis-à-vis de la Grèce, alors que toute l'Europe spécule déjà sur un nouveau paquet de 60 milliards d'euros.
"Du côté des partis politiques allemands, plus personne n'a vraiment envie d'aider à nouveau" les Grecs ou d'autres, après les soutiens consentis à Athènes, Dublin et Lisbonne, relève M. Engels.
"Sauver est un joli mot mais les Allemands ne peuvent plus l'entendre", résume l'hebdomadaire Die Zeit dans un éditorial.
Au FDP, allié libéral au gouvernement des conservateurs CDU d'Angela Merkel, une quinzaine de députés refusent ouvertement non seulement de nouvelles aides ponctuelles mais aussi le mécanisme de soutien permanent, qui doit pérenniser à compter de 2013 le principe d'une aide multi-latérale au niveau européen.
Le vote sur le sujet est prévu à l'automne. Et si la fronde devait gagner la CDU, comme cela semble se dessiner, Mme Merkel pourrait être tentée de jouer le vote de confiance, spécule M. Engels.
tt
AWP
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