Première mesure de ce type depuis 2012, la Banque populaire de Chine (PBOC, banque centrale) a annoncé vendredi une baisse des taux de référence sur les dépôts de 0,25 point à 2,75% et de 0,40 point à 5,60% sur les emprunts à un an, effective depuis samedi.
Saluée par les marchés, cette décision inattendue risque toutefois de s'avérer insuffisante à elle seule pour remédier au ralentissement de la deuxième économie mondiale, estiment les analystes.
Certes, "il s'agit d'un changement majeur d'approche, que peu avaient prévu" car la PBOC excluait jusque là toute baisse générale des taux d'intérêt, a relevé Mark Williams, chef économiste pour l'Asie chez Capital Economics.
Le gouvernement lui a préféré cette année des "mesures ciblées" en forme de coups de pouce, notamment des baisses limitées des fonds propres des banques ou, par deux fois, des injections de liquidités dans le système bancaire, pour un total de 769,5 mrd de yuan (121,3 mrd CHF) pour alimenter l'activité.
Mais malgré ces "mini-plans de relance", la progression du produit intérieur brut (PIB) chinois s'est établie officiellement à 7,3% sur juillet-septembre --soit son plus bas niveau depuis le premier trimestre 2009, quand la crise financière mondiale battait son plein--, après une croissance de 7,5% au deuxième trimestre.
L'objectif du gouvernement de parvenir à une croissance 2014 d'"environ 7,5%" semble désormais menacé.
La décision de la banque centrale est ainsi "une mesure claire de l'intensité de l'assouplissement de la politique monétaire et une réponse aux puissants vents contraires nés de la correction du marché immobilier", a jugé la firme de courtage Nomura.
L'économie chinoise est minée par sa bulle immobilière et le ralentissement de ses exportations, tout en étant confrontée à une sévère campagne anti-corruption qui touche plusieurs secteurs et nombre de décideurs.
"L'économie chinoise est sous le coup de pressions à la baisse depuis le début de l'année", avait averti le Premier ministre Li Keqiang à la veille de l'annonce de la PBOC devant un parterre d'hommes d'affaires acteurs dans l'internet.
UN "SIGNAL FORT"
Le climat accentue en outre la menace de déflation, l'indice des prix à la consommation d'octobre approchant d'un plus bas depuis cinq ans à 1,6%, tandis qu'une série de mesures début novembre destinées à encourager l'accès des investisseurs étrangers au marché boursier national ne recevait qu'un accueil très mitigé.
"La marché va probablement voir (la décision de la PBOC) comme un signal positif" de la part du gouvernement qui "répond à la demande faiblissante du secteur privé et à l'augmentation des risques déflationnistes en envoyant finalement un signal puissant", estime la banque Barclays.
La Bourse de Shanghai a bondi lundi de 1,85% en réaction à la baisse des taux.
Les entreprises d'Etat devraient recevoir la part du lion des crédits nouvellement disponibles auprès des grandes banques nationales, ainsi que les acquéreurs d'appartements.
Mais le reste des banques devrait voir ses marges se réduire en proportion de la baisse des taux.
Les analystes prévoient de nouvelles baisses à venir pour soutenir l'activité: la PBOC "a changé sa politique monétaire pour une autre, plus accommodante", et "les conditions sont mûres pour un nouvel assouplissement", juge ainsi Liu Ligang, chef économiste pour la Chine chez ANZ Bank.
Simultanément, la banque centrale a fait un pas en direction d'une libération très attendue des taux d'intérêt en autorisant vendredi les banques à rémunérer les dépôts à des taux supérieurs de 20% au taux officiel, contre 10% auparavant.
Une mesure "positive", a jugé Song Yu, économiste chez Beijing Gao Hua Securities Co.
La Chine a autorisé en juillet 2013 les banques à fixer les intérêts de leurs prêts, mais maintient un contrôle administratif sur la rémunération des dépôts.
Certains analystes mettent toutefois en garde contre un soutien à court terme à la croissance, au détriment des réformes et de la réorientation souhaitées par Pékin vers un rôle accru de la consommation.
Au risque "d'exacerber les points faibles de l'économie chinoise en créant des problèmes plus graves encore à l'avenir", prévient ainsi Nomura.
awp