BERLIN - La chancelière Angela Merkel a reconnu jeudi que, contrairement à l'Allemagne, nombre de pays de l'union monétaire avaient besoin de taux d'intérêt plus bas, alors que s'amplifient les spéculations autour d'une nouvelle baisse des taux par la Banque Centrale Européenne.
La BCE est dans une situation difficile. Dans le fond, elle devrait probablement relever un peu ses taux pour l'Allemagne, mais pour les autres pays, elle aurait en fait besoin d'agir un peu plus pour s'assurer que les entreprises ont accès au financement, a déclaré Mme Merkel devant l'assemblée annuelle de la fédération des caisses d'épargne allemandes à Dresde (est).
Nous devons dépasser le clivage au sein de l'union monétaire, a-t-elle constaté.
La chancelière s'exprime extrêmement rarement sur les taux d'intérêt, Berlin défendant farouchement l'indépendance de la BCE, bâtie sur le modèle de sa propre Bundesbank. Le ministre de l'Economie Philipp Rösler, interrogé sur le sujet, s'est d'ailleurs contenté de rappeler que c'était la ligne de tout le gouvernement de respecter absolument les décisions prises à Francfort.
Ces commentaires de la chancelière allemande sur la politique de la BCE sont une surprise (...) et une grosse nouveauté. (...) C'est clairement une invitation lancée aux politiques de la zone euro d'accroître leurs exigences à l'égard de la politique monétaire de la BCE, a commenté Johannes Gareis, économiste chez Natixis. Il qualifie même le comportement de Mme Merkel d'incohérent.
Le taux directeur de la BCE est à 0,75%, son plus bas historique, depuis juillet dernier. Une série d'indicateurs de conjoncture décevants ont alimenté cette semaine les espoirs d'une baisse dès la semaine prochaine, pour donner un coup de pouce à une conjoncture en berne dans quasiment toute l'Europe. Cette perspective porte les marchés boursiers européens depuis plusieurs séances.
Jeudi le numéro deux du Fonds monétaire international (FMI), David Lipton, a appelé lors d'une conférence à Londres la BCE à maintenir sa politique très accommodante, le terme qui désigne les taux bas en jargon des banques centrales.
Lors de sa dernière conférence de presse sur la politique monétaire début avril, le président de la BCE Mario Draghi avait ouvert la porte à une baisse des taux en insistant sur la vigilance de tous les instants de l'institution. Il avait aussi évoqué des réflexions sur d'autres mesures pour aider la zone euro, sans être plus précis.
Pour la seule Allemagne, dont l'économie s'en sort mieux que ses partenaires, les taux bas ne sont pas la panacée.
Nous voyons bien les effets néfastes de taux bas, pour les clients des compagnies d'assurance et pour les épargnants, a dit la chancelière aux représentants des caisses d'épargne. Leur fédération ne perd pas une occasion de critiquer les taux bas, une menace pour son coeur de métier, l'épargne.
Ma préoccupation est que les épargnants ne perdent patience au bout d'un moment, a dit le président de la fédération et ancien ministre régional conservateur Georg Fahrenschon dans un entretien au Handelsblatt mercredi.
Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a d'ailleurs reconnu dans un discours jeudi que des baisses de taux assoupliraient encore plus des conditions de financement déjà extrêmement lâches dans les pays du coeur de la zone euro, c'est-à-dire essentiellement en Allemagne. En outre la répercussion de baisses des taux à la périphérie serait limitée, or c'est là qu'elle serait le plus nécessaire, a-t-il dit.
Il n'en reste pas moins que les effets négatifs (d'une baisse des taux) doivent être pondérés avec le besoin de mesures exceptionnelles de politique monétaire dans un contexte de crise, a-t-il expliqué, laissant la porte ouverte à toutes les éventualités.
Dow Jones Newswires
AFP
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