Karlsruhe - La Cour constitutionnelle allemande a commencé à
examiner mardi une série de plaintes contre la ratification du fonds de secours
européen MES, qui pourrait compliquer le sauvetage de la zone euro.
Le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, venu défendre la ligne du
gouvernement, n'a pas hésité à dramatiser les enjeux.
Il a prévenu qu'un "report important du MES, au-delà du mois de juillet,
pourrait provoquer des incertitudes importantes sur les marchés" et qu'alors
"les symptômes de la crise seraient renforcés, avec des conséquences néfastes
pour l'économie".
Le président de la Cour Andreas Vosskuhle avait auparavant ouvert la séance
en lisant la liste des plaintes, six au total, émanant en particulier des
députés de la gauche radicale Die Linke, d'un élu conservateur ou une
association de citoyens.
PAS DE DÉCISION MARDI
Tous demandent au tribunal de Karlsruhe (ouest), plus haute instance
judiciaire allemande, de stopper net la ratification à la fois du MES et du
pacte budgétaire.
L'audience de mardi ne débouchera pas sur une décision, laquelle est attendue
d'ici la fin du mois, mais les juristes en espèrent quelques indications sur
l'opinion de la Cour.
MES et Pacte budgétaire ont certes reçu l'aval du Parlement allemand, mais
n'ont aucune valeur juridique tant qu'ils n'ont pas été signés par le président
Joachim Gauck.
C'est ce paraphe que les plaignants veulent empêcher, en arguant qu'en
particulier la mise en place du fonds de secours, qui fait peser sur Berlin un
risque financier de plusieurs milliards d'euros, dépouille le Parlement de sa
souveraineté budgétaire.
L'avocat Dietrich Murswieck, qui représente le député conservateur et
plaignant Peter Gauweiler, a jugé que ce mécanisme de secours "ouvrait la porte
d'une union européenne de transferts", dans laquelle chaque Etat serait
responsable de la survie financière de tous les autres, ce qui selon lui ne peut
advenir sans consultation de la population allemande.
La Cour ne va pas se prononcer de manière finale sur le fond, à savoir la
conformité des traités européens avec la constitution allemande, et se
contentera d'un "examen sommaire", a rappelé M. Vosskuhle, mais sa décision sera
lourde de conséquences.
PLUSIEURS JUGEMENTS DÉCISIFS
Si les juges de Karlsruhe, qui bénéficient d'une immense autorité morale en
Allemagne, décidaient d'empêcher la signature des textes jusqu'à leur jugement
au fond, et ainsi de suspendre la ratification pour plusieurs mois, cela
laisserait entendre qu'ils ont des doutes sérieux sur leur validité.
"L'Europe est un défi pour l'Etat de droit autant que l'Etat de droit est un
défi pour l'Europe", a déclaré M. Vosskuhle.
Le fait que la Cour ait convoqué une audience publique, inhabituelle pour ce
genre de recours en référé, a déjà étonné nombre de commentateurs.
Les juges de Karlsruhe ont rendu plusieurs jugements décisifs sur les plans
d'aide européens récemment: sans jamais les invalider, ils ont à chaque fois
exigé une implication plus grande du législateur.
Ce qui fait dire au quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung que
la Cour "prend la place d'une opposition inexistante" en contestant au moins en
partie la politique européenne de la chancelière Angela Merkel.
Cette dernière a réussi à rallier jusqu'ici les deux principales forces
d'opposition, les sociaux-démocrates du SPD et les Verts, à chaque fois qu'il
s'est agi de faire valider ses choix devant le Parlement.
Mme Merkel a aussi pour elle l'opinion publique: selon un sondage datant de
la fin de la semaine dernière, ils sont 60% à saluer l'action de la chancelière
face à la crise européenne, et 70% à avoir une opinion favorable de leur
dirigeante, même après un sommet européen qui l'avait vue faire des concessions
aux pays du Sud.
AWP
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