Francfort - La Banque centrale européenne (BCE) a baissé jeudi son
principal taux directeur à 0,75%, son plus bas niveau historique, dans une tentative de
doper une économie en zone euro toujours morose, une mesure toutefois jugée
insuffisante par les économistes pour éviter la tempête.
Censée apporter une bouffée d'oxygène aux banques, et par ricochet aux
entreprises et ménages, elle était considérée dès avant son annonce comme
inadaptée pour redonner du souffle à une région empêtrée depuis deux ans et demi
dans la crise de la dette et confrontée à la récession de plusieurs de ses
membres.
C'est "largement symbolique" dans le contexte actuel, a immédiatement
commenté Jennifer McKeown de Capital Economics, tandis que le président des
Caisses d'épargne allemandes Georg Fahrenschon estimait que cette baisse d'un
taux "proche de zéro à encore plus proche de zéro n'aura pas un effet
conjoncturel notable".
Mercredi, trois instituts de conjoncture (l'Insee français, l'Ifo allemand et
l'Istat italien) ont prédit un recul du Produit intérieur brut (PIB) de la zone
euro aux deuxième et troisième trimestres, soit une récession technique.
SEULE UNE INTERVENTION SIGNIFICATIVE POURRAIT CALMER LE JEU
Jeudi, l'Espagne a dû à nouveau consentir des taux en hausse pour emprunter à
dix ans, laissant craindre que les effets positifs du sommet européen de la
semaine dernière --notamment sur le marché obligataire-- ne se soient déjà
dissipés.
Face à ces mauvaises nouvelles, conjuguées à des indicateurs de confiance en
berne, les économistes jugent que seule une intervention significative de la BCE
sur le marché obligataire secondaire --où s'échangent les titres déjà émis--,
c'est-à-dire une reprise de ses achats de dette publique, pourrait véritablement
calmer le jeu.
Un avis partagé par la directrice générale du Fonds monétaire international
(FMI) Christine Lagarde, selon qui "si l'on cherche une vraie solution,
l'expansion du programme de rachat de dette publique est le chemin à
suivre".
Mais tandis que la Banque d'Angleterre a annoncé jeudi l'injection de 50
milliards de livres (62,2 milliards d'euros) pour soutenir l'économie
britannique, Mario Draghi, le président de la BCE, a affirmé que son institution
n'avait discuté d'aucune nouvelle mesure exceptionnelle, lors de la conférence
de presse mensuelle qui suit la décision sur les taux.
CAPACITÉ D'INTERVENTION NE PEUT DÉPASSER 700 MRD EUR
Selon lui, les fonds de secours européens, le FESF et MES, "avec les
nouvelles modalités (adoptées), sont adéquats pour gérer les risques et
contingences que nous envisageons actuellement". Une référence à la décision des
dirigeants européens de les autoriser à recapitaliser directement les banques et
racheter de la dette publique.
Or la capacité d'intervention des fonds ne peut pas dépasser 700 milliards
d'euros, dont environ 200 sont déjà utilisés pour la Grèce, l'Irlande et le
Portugal, pointent les économistes, jugeant le total insuffisant pour réellement
impressionner les marchés et décourager la spéculation contre la zone euro.
Seule la BCE a la puissance de feu nécessaire pour intervenir, soulignent-ils
tandis que Holger Schmieding et Christian Schulz, de la banque Berenberg,
estiment que l'institution devrait afficher un objectif clair au-delà duquel
elle ne laissera pas se creuser les écarts de taux (spreads) entre les pays en
difficulté et l'Allemagne, référence en zone euro.
La BCE n'a pas non plus annoncé de nouveau prêt sur trois ans aux banques
(LTRO), après ceux de décembre et février qui n'ont pas donné totale
satisfaction.
ZONE EURO VULNÉRABLE
A cet égard, M. Draghi a souligné que la faible activité de crédit constatée
était en partie liée à une demande contenue de la part des entreprises et
ménages, laissant entendre que la BCE à elle seule ne pouvait relancer le
financement de l'économie réelle.
"Cette absence d'action décisive laisse la zone euro vulnérable à une reprise
de la tempête financière", s'est inquiété Holger Schmieding, qui s'interroge sur
l'éventualité d'un été tourmenté.
Des craintes tempérées par Patrick Artus, directeur de recherche chez
Natixis, qui souligne que la BCE "ne laissera jamais un Etat de la zone euro
être en cessation de paiements: si c'est nécessaire, et sans pré-annonce, elle
achèterait toutes les dettes publiques nécessaires".
AWP
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