Francfort - L'Allemagne a envoyé cette semaine un message brouillé sur l'inflation: son ministre des Finances pense possible de la laisser courir un peu pour aider ses partenaires de la zone euro; sa banque centrale semblait aussi fléchir, pour mieux réaffirmer la doctrine vendredi.
Le président de la banque centrale, Jens Weidmann, a en effet estimé le "débat absurde", dans un entretien au quotidien Süddeutsche Zeitung.
"En tant que partie prenante de la zone euro, nous sommes mandatés pour contenir l'inflation dans une moyenne de 2% par an", a-t-il insisté. Les "Allemands peuvent se fier à la vigilance de la Bundesbank".
Deux jours plus tôt, un économiste de l'institution monétaire avait jugé dans un rapport à une commission parlementaire que le pays pouvait se permettre un peu plus d'inflation, pour aider ses voisins en difficulté à gagner en compétitivité. Des propos qui avait été interprétés par certains médias comme un changement de cap d'une institution jusqu'ici championne de l'orthodoxie monétaire.
La mise au point de M. Weidmann intervient alors que le quotidien le plus lu d'Allemagne, Bild, accusait vendredi la Bundesbank de vouloir "affaiblir l'euro", titrant en une: "Alarme à l'inflation".
"La crise de l'euro pousse les prix vers le haut, notre épargne perd de la valeur, et la Bundesbank, le gardien de notre monnaie, veut l'accepter", écrit le journal. Son expert estime que la hausse des prix pourrait atteindre bientôt 5% voire 10% si la crise de la zone euro s'accentuait.
En avril, l'inflation a été de 2,1% sur un an en Allemagne.
Certes, au cours des derniers mois, elle a toujours dépassé les 2%, mais sans menacer de s'emballer.
Quant à la Banque centrale européenne (BCE), elle a à maintes occasions répété qu'elle interviendrait en cas de dérapage, c'est-à-dire qu'elle augmenterait son taux directeur actuellement de 1%. Un message spécialement destiné à la "Buba".
Pour nombre d'économistes, il n'est pourtant pas absurde que l'Allemagne, qui continue à tirer son épingle du jeu de la crise, accepte d'adoucir son discours.
"Il est logique que les prix soient plus élevés en Allemagne", estime ainsi Sebastian Dullien, du European Council on froreign relations (ECFR) à Berlin, rappelant la bonne santé de son marché du travail, de sa conjoncture, de son immobilier.
"Mais cette logique n'est pas évidente pour les Allemands, pour qui ce sujet reste un thème majeur d'inquiétude" en raison du traumatisme de l'hyperinflation des années 1920 qui a conduit à l'arrivée des nazis au pouvoir, dit-il.
Le gouvernement allemand a lui compris qu'il fallait répondre aux critiques de ses partenaires qui l'accusent volontiers de doper ses exportations en contenant prix et salaires. Et ainsi éviter de devenir le "bouc émissaire" d'une zone euro qui cherche toujours une porte de sortie à la crise, alors que les appels à faire plus pour la croissance se multiplient, en particulier en France où le socialiste François Hollande a été élu président.
Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble, vient ainsi de déclarer que le pays pouvait tolérer jusqu'à 3% d'inflation et des hausses de salaires plus fortes qu'ailleurs en zone euro.
Pour Christian Schulz, de la banque Berenberg, "l'Allemagne aide ses amis" en exportant moins vers la zone euro et en important plus depuis cette région, y faisant même office de "courroie de transmission de la croissance mondiale".
Sur le plan intérieur, la chancelière Angela Merkel, candidate à sa propre succession aux législatives de l'automne 2013, a aussi intérêt à changer légèrement de cap.
"En laissant entendre que les gens doivent profiter de la croissance, et le message de M. Schäuble va clairement dans ce sens, elle enlève des arguments à la gauche", analyse pour l'AFP la politologue Claire Demesmay.
Mais juste avant une élection régionale dimanche, la chancelière a répété jeudi qu'elle refusait toute croissance "à crédit".
AWP
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