Francfort - La Banque centrale européenne (BCE) a dévoilé mercredi ses critères d'évaluation des bilans des banques de la zone euro, une étape jugée cruciale et pour sa crédibilité et pour la poursuite de la guérison du système financier de la région.
"C'est une avancée importante pour l'Europe et l'avenir de l'économie de la zone euro", a souligné son président Mario Draghi, dans un communiqué.
Cet état des lieux --baptisé asset quality review (AQR)--, réalisé avant que la BCE n'endosse le rôle de superviseur bancaire unique (SSM) à partir de novembre 2014, se doit d'assurer la transparence des banques, de "réparer" ce qui doit l'être dans leurs bilans et ainsi d'assurer un retour définitif de la confiance des investisseurs privés, souligne la BCE.
Car si la situation s'est notablement améliorée depuis deux ans grâce à l'action de la BCE et aux réformes entreprises par les Etats membres, les incertitudes continuent de planer sur la santé des établissements européens, a rappelé Ignazio Angeloni, directeur général pour la Stabilité financière, lors d'une conférence de presse.
Et les déroutes récentes de Bankia en Espagne ou de l'italienne BMPS ont contribué à entretenir ces doutes ainsi que la méfiance sur la capacité des autorités nationales de supervision à évaluer leurs banques sans complaisance.
Pour son AQR, la BCE s'appuiera toutefois sur ces superviseurs nationaux, avec le soutien du cabinet de conseil externe Oliver Wyman. Le travail démarrera en novembre avec la définition du portefeuille qui sera examiné dans chaque pays, pour une mise en oeuvre début 2014.
La BCE, qui a décidé de réclamer de chacune des banques un ratio de fonds propres de 8%, examinera les risques présentés par le bilan des 124 banques concernées, en se penchant sur leurs liquidités, leur endettement et leur financement.
Le deuxième pilier de l'exercice vise à passer en revue les actifs des banques au 31 décembre 2013, et s'intéressera aux actifs les plus risqués et les moins transparents des banques.
Un test de résistance, mené conjointement avec l'Autorité bancaire européenne (EBA), complètera l'examen en fournissant un aperçu de la capacité des banques à absorber des chocs dans des conditions de tension, voire de crise. Ses détails seront communiqués plus tard, la discussion n'étant pas terminée, selon M. Angeloni.
BEAUCOUP DE BRUIT
Avec ces annonces, le premier jalon du projet d'Union bancaire "est sur les rails pour de bon", a commenté Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg.
"Un exercice couronné de succès complèterait le mouvement de guérison après les crises de Lehman (Brothers) et de la zone euro", a-t-il ajouté, s'inquiétant toutefois de la longueur du processus. Les résultats de ces différents examens ne doivent en effet pas être publiés avant octobre 2014, soit dans un an.
Alors que l'AQR, en améliorant la confiance, est destiné à relancer le crédit et donc l'investissement pour soutenir une croissance fragile, "les banques pourraient se tenir éloignées de tout business risqué pour se présenter sous leur meilleur jour au superviseur", selon lui.
"L'AQR a créé beaucoup d'attente sur le redémarrage du crédit or on ne peut pas exclure que les banques restent très prudentes", selon un autre analyste qui ne souhaite pas être cité.
En outre, ce délai risque de "générer une machine à créer du bruit", avec des fuites sur les résultats, des questionnements, loin de la sérénité attendue, a-t-il ajouté, tout en estimant que la BCE n'avait pas le choix: un tel exercice ne s'improvise pas, d'autant qu'une partie du personnel doit encore être embauchée tandis que le responsable du SSM n'a pas encore été choisi.
Autre écueil: une fois le diagnostic posé, il faudra que les outils de recapitalisation des banques soient en place. Or les négociations ne sont pas terminées à ce sujet.
La Commission européenne privilégie l'implication des actionnaires et des créditeurs privés, avant de faire appel à de l'argent public au niveau national puis européen. Or M. Draghi, dans une lettre adressée à la Commission cet été et rendue publique récemment, s'inquiète d'une déstabilisation des marchés financiers en cas d'"interprétation trop stricte" de ce principe, jugeant que "les aides d'Etat devraient être possibles pour recapitaliser les banques à titre préventif".
awp
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire