Washington - Près de cinq ans après le début de la crise financière, le FMI a mis en garde mardi contre la fragmentation croissante de l'économie mondiale, écartelée entre le dynamisme des pays émergents, la résistance des Etats-Unis et le décrochage persistant de la zone euro.
"Nous sommes dans une meilleure situation mais nous ne sommes pas tirés d'affaire", a résumé le chef économiste du Fonds monétaire international, Olivier Blanchard, lors d'une conférence de presse.
Ce tableau morose a une traduction chiffrée: la progression du produit intérieur brut (PIB) mondial est revue à la baisse et devrait atteindre 3,3% cette année, contre 3,5% prévus en janvier et 3,2% l'année dernière, indique le FMI dans son rapport semestriel.
La zone euro, notamment la situation en Chypre et en Italie, continue de concentrer les inquiétudes de l'institution qui tient son assemblée générale cette semaine à Washington.
"Le passage à vide de la zone euro est inquiétant", a détaillé M. Blanchard, évoquant les difficultés pour les entreprises et les ménages d'emprunter dans les pays de la "périphérie" de la région et la "grande incertitude" sur l'état de certaines banques.
A l'heure où les plans d'économies pullulent en Europe, le FMI s'inquiète également dans son rapport d'une "fatigue" liée à l'austérité.
"Si un pays en a la possibilité, il faut penser à ce qui peut être fait pour réduire le rythme de l'assainissement budgétaire afin qu'il reste crédible mais qu'il n'ait pas trop d'impact négatif sur la demande", a estimé le chef économiste, évoquant spécifiquement la nécessité pour le Royaume-Uni de revoir sa politique de rigueur.
Ce n'est pas l'unique risque détecté par le FMI. Seule région en récession dans le monde, l'Europe décroche de plus en plus par rapport au reste de la planète, compliquant la coopération entre pays et la recherche de solutions globales.
UNE ÉCONOMIE "À TROIS VITESSES"
"Ce qui était jusqu'à présent une reprise à deux vitesses --forte dans les pays émergents mais plus faible dans les économies avancées-- devient une reprise à trois vitesses", écrit M. Blanchard dans l'avant-propos du rapport où il note le "décalage" croissant entre l'UE et les Etats-Unis.
Affaiblie par des coupes budgétaires automatiques, la première puissance mondiale devrait certes marquer le pas cette année (+1,9%, en baisse de 0,2 point) mais reste dans une situation bien plus enviable "grâce à une demande intérieure robuste", selon le Fonds.
L'institution juge toutefois "inquiétant" qu'aucun plan crédible de réduction des déficits n'ait vu le jour dans le pays alors que le plafond de la dette devra être relevé pour éviter un défaut de paiement.
Les grands pays émergents n'ont pas ce problème. En dépit de prévisions de croissance abaissées en Chine (+8,0%) et surtout au Brésil (3,0%), ils devraient confirmer leur dynamisme cette année et continuer à porter l'économie mondiale.
"La Chine est revenue à un rythme de croissance sain", estime le Fonds.
L'institution relève toutefois une "exception" avec le Maghreb et le Moyen-Orient, où la progression de l'activité devrait ralentir par rapport à 2012 en raison notamment "des transitions politiques" à l'oeuvre dans plusieurs pays avec lesquels le Fonds tente de conclure un accord (Egypte, Tunisie...).
Sorti du front de la croissance, le FMI se félicite que certains déséquilibres mondiaux aient diminué et bat une nouvelle fois en brèche l'hypothèse d'une guerre des monnaies, la jugeant "exagérée".
A l'heure où le Japon vient d'assouplir sa politique monétaire, le FMI défend à nouveau les mesures prises par les banques centrales pour lutter contre la crise (baisse des taux d'intérêts, injections de liquidités).
S'il récuse toute "bulle financière", il met toutefois en garde contre certains effets indésirables de ces politiques: des prises de risques "excessives" et un possible afflux de capitaux déstabilisateur vers des pays émergents.
"Ce sont des choses qu'il faudra clairement surveiller", a indiqué M. Blanchard
awp
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