Madrid- L'émission réussie jeudi de l'Espagne, qui boucle ainsi son programme d'emprunt 2012 à moyen et long termes, a paradoxalement provoqué de nouvelles tensions sur les marchés qui craignent que Madrid en profite pour encore retarder sa demande de sauvetage financier jusqu'à 2013.
Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, avait déjà laissé entendre mardi qu'il n'était pas pressé de demander une aide européenne, au-delà de celle déjà octroyée en juin de jusqu'à 100 milliards d'euros aux banques espagnoles.
"Je ne renonce pas à l'utiliser si c'est utile", a-t-il déclaré, soulignant que l'Espagne avait couvert presque la totalité de ses émissions obligataires pour 2012.
De fait, grâce à une forte demande, le pays a pu lever jeudi 4,763 milliards d'euros, couvrant ainsi ses besoins de 85,9 milliards d'euros à moyen et long termes pour cette année.
Le trésor "a levé 86,358 milliards d'euros, soit 100,53%" du programme, a indiqué le ministère dans un communiqué.
Le 18 octobre, le gouvernement avait indiqué avoir levé 158 milliards d'euros sur un besoin total de 186 milliards d'euros, en comptant le programme à court terme. Il augmentera encore en 2013 à 207 milliards.
TAUX À 7% CET ÉTÉ
Le trésor a de plus bénéficié de taux en baisse à la fois sur l'échéance à trois ans et à cinq ans.
Les taux d'emprunt pour l'Espagne, après avoir grimpé jusqu'à 7% cet été, ont fortement baissé après l'annonce, le 6 septembre, de la Banque centrale européenne qui s'est engagée à acheter de la dette des pays en difficulté financière comme l'Espagne et l'Italie, s'il en font la demande.
Mais depuis, les marchés restent nerveux, dans l'attente de la demande formelle de sauvetage de l'Espagne que le chef du gouvernement espagnol ne cesse de repousser.
Et paradoxalement, cette émission réussie et les déclarations du gouvernement "donne au marché la sensation que cela va se prolonger jusqu'à au moins janvier", affirme Soledad Pellon d'IG Markets.
Résultat: "il y a des tensions très fortes qui viennent de cette émission" car le marché "commence à mettre la pression avec la hausse de la prime de risque et veut voir si on peut obtenir le sauvetage avant la fin de l'année", explique-t-elle.
Les taux d'intérêt à 10 ans, qui font référence, sont repartis à la hausse après l'émission. Et la prime de risque, qui mesure la différence entre le taux d'emprunt de référence à 10 ans allemand et l'espagnol, a progressé, à 444 points contre 431 mercredi soir.
L'Espagne, qui redoutait au départ les strictes conditions qui lui seraient imposées en échange d'un sauvetage, veut désormais être certaine de choisir le bon moment pour que l'action de la BCE fasse baisser cette prime. Pour le financement de l'Etat mais aussi celui des entreprises.
QUELLES SERAIENT LES CONDITIONS
"Le problème ne réside plus seulement dans les conditions mais sur combien la prime va baisser car si elle reste autour de 400 et ne baisse pas à 200, il est évident que ce n'est pas la même chose", a expliqué mardi M. Rajoy.
"Il faut également voir quelles sont les conditions et ensuite s'assurer du soutien de tous les pays de l'Union européenne".
Reste que "l'Espagne doit toujours faire face à des défis économiques et financiers en 2013", met en garde l'analyste Raj Badiani, de IHS Global Insight.
"Et elle doit savoir qu'il suffirait de quelques émissions ratées, ajoutées à une récession accrue, plus de problèmes pour ses banques et ses régions insolvables ainsi que ses objectifs de déficits non tenus, pour faire rechuter la demande" de dette souveraine espagnole.
Dans ses prévisions publiée jeudi, la Commission européenne affirme que l'Espagne va cumuler un déficit budgétaire de 8% du PIB cette année et de 6% en 2013, contre respectivement 6,3% et 4,5% prévus par le gouvernement.
La récession l'année prochaine devrait se poursuivre avec un PIB en baisse de 1,4%, selon la commission.
AWP
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