Bruxelles - La pression monte pour que la Banque centrale européenne (BCE) fasse davantage pour sauver la zone euro face à la crise de la dette, le ministre polonais des Finances ayant mis en garde lundi contre "un désastre" si elle ne s'y résout pas. Le président de l'institution de Francfort, Mario Draghi, l'a encore répété vendredi: la crédibilité de la BCE, qui agit "en toute indépendance", repose sur une politique monétaire visant avant tout à maîtriser l'inflation.
Autrement dit, pas question dans l'immédiat de faire ce que beaucoup souhaiteraient: qu'elle joue le rôle de prêteur en dernier ressort en rachetant de manière illimitée des obligations d'Etats européens fragiles, afin de freiner la hausse des taux d'emprunt.
Cette position est soutenue par l'Allemagne, viscéralement attachée à l'indépendance de la banque centrale et qui craint que la création de monnaie induite par une telle intervention ne favorise l'inflation.
"Aucune de ces pistes qui sont avancées dans le débat public ne sont un remède miracle contre la crise", a déclaré lundi le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert.
Pour soutenir les Etats en difficulté, M. Draghi a renvoyé au Fonds européen de stabilité financière (FESF), s'étonnant au passage qu'il ne soit toujours pas opérationnel sous sa forme renforcée avec une force de frappe portée à 1.000 milliards d'euros.
Mais pour le ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski, dont le pays préside l'Union européenne, il est déjà trop tard pour que le FESF soit utile.
"Les dangers de contamination sont aujourd'hui plus grands que jamais, et les sommes dont nous avons besoin pour les stopper ont grandi car nous n'avons pas agi assez rapidement", a-t-il dit dans une interview au journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.
"Dans l'ordre des horreurs, l'alternative est la suivante: soit une intervention massive de la BCE, soit la catastrophe", selon lui. Il n'est pas le seul à le penser.
La Banque centrale "doit tout faire pour la stabilité financière, mais elle ne doit pas l'annoncer à l'avance", estime un responsable européen sous le couvert de l'anonymat, tandis qu'un autre se dit persuadé qu'"il faut laisser la BCE jouer son rôle et qu'elle va le jouer".
La Commission, pour sa part, a rappelé lundi que l'institut monétaire de Francfort avait un double mandat inscrit dans le traité: maîtriser l'inflation mais aussi "assurer la stabilité à la fois de l'UE en général et de la zone euro en particulier".
"Nous faisons confiance à la Banque centrale pour qu'elle agisse de manière responsable afin d'atteindre ces deux objectifs", a indiqué un de ses porte-parole, Olivier Bailly.
Paris et Londres, soutenus par d'autres pays du G20, s'emploient à convaincre Berlin de changer d'avis, selon une source diplomatique européenne.
Vendredi, le Premier ministre britannique David Cameron a souligné devant la chancelière Angela Merkel que "toutes les institutions de la zone euro doivent soutenir la monnaie unique pour la défendre".
L'Allemagne finira par accepter que la Banque centrale intervienne plus massivement, si elle obtient en échange des engagements sur le renforcement de la discipline budgétaire de la part des pays "laxistes", estime un autre diplomate européen.
"Il faut laisser du temps aux Allemands, qui doivent convaincre leurs citoyens et leurs parlementaires", selon cette source, mais "de leur côté, les Français, qui n'ont pas eu d'excédent budgétaire depuis des années, vont devoir faire des efforts".
A Paris, on estime que l'Allemagne devra finir par dépasser sa contradiction: elle ne peut vouloir sauver la zone euro tout en s'opposant à un rôle accru de la BCE.
Une option consistant à ce que la BCE prête de l'argent au Fonds monétaire international pour que celui-ci prête à son tour aux Etats en difficulté est également sur la table depuis le sommet du G20 à Cannes début novembre, selon une des sources européennes.
AWP
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire