Bruxelles - La méfiance généralisée des investisseurs envers la monnaie commune plombe les efforts de la zone euro pour bâtir un pare-feu convaincant contre la crise de la dette, l'obligeant à renoncer à son objectif de 1000 milliards d'euros pour son Fonds de secours financier (FESF).
Mardi soir, les ministres des Finances de la zone euro se sont mis d'accord pour multiplier la force de frappe de ce Fonds via un système d'assurance partielle, à hauteur de 20 à 30%, des prêts des investisseurs aux pays fragiles de l'Union monétaire.
Théoriquement, le compte peut encore y être: le FESF a lui-même indiqué dans un communiqué que le montant dont il dispose pour assurer ces garanties était d'environ 250 milliards d'euros. Si le taux choisi est de 20%, alors l'effet multiplicateur est de cinq, et le montant obtenu au final est de 1250 milliards d'euros.
Mais en partant d'une garantie à 30%, le coefficient multiplicateur n'est plus que de trois environ, "ce qui nous amène à un peu plus de 750 milliards d'euros, donc sous les 1000 milliards", souligne un diplomate.
"Nous n'avons pas revu les ambitions à la baisse mais les conditions ont changé, donc probablement ça ne sera pas 1000 milliards mais moins", a reconnu Jean-Claude Juncker, le chef de file des ministres des Finances de l'Union monétaire, à l'issue de la réunion de mardi, assurant toutefois que le montant serait "substantiel".
"Il n'est pas possible de donner un chiffre exact car les circonstances ont empiré au cours des dernières semaines, depuis le dernier sommet" européen du 26-27 octobre, a-t-il reconnu.
Une simple multiplication mécanique ne peut en effet s'appliquer car il y a "d'autres problèmes à prendre en compte", souligne un expert financier européen. Depuis le sommet, le coût des garanties est en effet devenu plus élevé pour les pays de la zone euro en raison de l'envolée de leurs taux d'emprunt sur le marché obligataire.
Ceux de l'Italie ont bondi mardi à des niveaux record en dépassant le seuil de 7%, jugé insoutenable à long terme.
Du coup, le FESF lui-même lève de l'argent à un coût plus élevé, ce qui réduit d'autant l'enveloppe dont il dispose. Une réalité qui a fait dire mardi au ministre néerlandais des Finances, Jan Kees de Jager, que "l'on arrivera peut-être à la moitié" des 1000 milliards espérés.
La situation pourrait encore empirer si la France perdait sa note "triple A". Le quotidien La Tribune a rapporté lundi, citant plusieurs sources, que l'agence Standard and Poor's envisageait de placer cette note sous perspective négative. Or, si la France, seconde économie de la zone euro, perd ce précieux label, le FESF sera fragilisé dans la foulée, accentuant la méfiance des investisseurs et renchérissant encore plus son financement.
Même en écartant ce scénario, "le problème c'est que le FESF ne trouve pas d'acheteur sur le marché" car il "n'est pas assez attractif" dans un contexte de méfiance généralisée, résume Christoph Weil, analyste de Commerzbank.
"Avec une garantie plus élevée, cela aurait été plus attractif, mais le levier aurait été moins important", explique-t-il.
Le patron de Commerzbank, Martin Blessing, a pointé la semaine dernière "la grande réserve des acheteurs" d'obligations souveraines européennes, prêts à attendre plusieurs mois que la situation s'améliore dans les économies concernées.
Une réalité qui semble avoir été intégrée par les dirigeants européens, désormais à la recherche de solutions impliquant, sous une forme ou sous une autre, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne.
Car même si l'objectif de 1.000 milliards d'euros était atteint, cela serait insuffisant pour faire face aux besoins de financement de pays comme l'Italie, dont la dette pèse 1.900 milliards d'euros.
AWP
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