Paris - Avec 10'200 postes créés, le premier trimestre 2012 marque une stabilisation surprenante de l'emploi salarié au regard de la croissance quasi-nulle en France, après deux trimestres destructeurs d'emplois, selon des données provisoires de l'Insee publiées mardi.
Ces chiffres en rupture avec la tendance enregistrée depuis mi-2011 sont "étonnamment décorrelés de l'activité économique réelle", souligne Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des Conjonctures économiques (OFCE), en rappelant que l'Insee prévoit une croissance zéro au premier trimestre, après 0,2% fin 2011.
L'Insee a maintenu en mars sa prévision pessimiste de 61'000 destructions d'emplois au premier semestre 2012 et prévoit une aggravation du chômage au premier semestre avec 9,7% en France métropolitaine (10,1% Dom compris).
Les chiffres des demandeurs d'emploi de mars, publiés fin avril par le ministère du Travail, avaient augmenté pour le onzième mois consécutif, avec 2,884 millions de personnes sans activité en métropole.
A court terme, la reprise de l'emploi salarié est "une bonne nouvelle pour les ménages" mais, prévient M. Plane, ces statistiques "révèlent une perte de compétitivité pour les entreprises qui ont encaissé le choc de conjoncture sans le répercuter immédiatement par de nouveaux licenciements".
L'économie française avait détruit 22'600 emplois au 4e trimestre 2011 et 31'500 au 3e trimestre.
A moins de renouer avec une croissance franche, ce qui n'est pas le scénario envisagé par l'Insee (0,2% au deuxième trimestre), M. Plane prédit un inévitable "rattrapage" avec un "boom des destructions d'emploi dans les prochains trimestres".
Au total, à fin mars, la France comptait 16,1 millions de salariés, selon les chiffres provisoires de l'Institut national de la statistique et des études économiques.
Le nombre d'emplois créés dans les secteurs marchands non agricoles a évolué au premier trimestre 2012 de +0,1% par rapport au trimestre précédent. Il est également stable sur un an (+3000 postes, soit 0%).
Les destructions dans l'intérim ont été cette fois "très limitées", souligne l'Insee, avec 1300 postes de moins contre 34'000 au semestre précédent.
La stabilisation tient surtout à une reprise dans le secteur tertiaire hors intérim, avec 23'700 créations nettes enregistrées ce trimestre. Le secteur des services, qui compte 11,3 millions de salariés, avait détruit 36.300 emplois au deuxième semestre 2011.
En revanche, les deux autres grands secteurs souffrent : 9100 emplois sont perdus dans l'industrie, 4300 postes dans la construction.
Le comportement des entreprises reste "compliqué" à interpréter sans données complémentaires disponibles, souligne l'expert de l'OFCE.
Elles ont ainsi pu "réduire la durée du travail en recourant moins aux heures supplémentaires ou en mobilisant davantage les dispositifs de temps partiel", avance M. Plane. Ces dispositifs simplifiés en janvier par le précédent gouvernement ont permis à l'Allemagne, au plus fort de la crise, de préserver l'emploi.
La timide reprise de l'emploi salarié pourrait-elle tenir aussi au retardement de plans sociaux au vu de l'échéance présidentielle, comme l'ont souligné des syndicats? "Cet "effet politique" a peut être été sous-estimé mais les plans sociaux représentent une infime minorité des ajustements du marché du travail", répond M. Plane.
Ces chiffres provisoires font écho à la reprise de l'emploi intérimaire enregistrée pour le deuxième mois consécutif en mars par Pôle emploi, qui a également fait état de 1,6 million de projets de recrutements pour 2012 (+4,3% par rapport à 2011).
AWP
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